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Mouloud FERAOUN
Né en 1913 à Tizi Hibel, Grande Kabylie.
Concours d'entrée à l'Ecole Normale de Bouzaréa en 1932. Instituteur, puis directeur, puis directeur des Centres sociaux d'El Biar en 1960 fondés par Germaine Tillion. Il est assassiné par un commando de l'OAS en 1962. (Source: Jean Déjeux)
C'est dans ''Le Journal'' que s'exprime toute sa dimension humaine. Mouloud Feraoun est le fils d'un pauvre qui a décrit la vie de tous les fils des pauvres d'Algérie à l'époque coloniale.
Bien sûr, il y a un village de Kabylie comme théâtre des événements qui s'appliquaient à l'ensemble du pays. Il défia le sort qui le prédestinait à être coincé dans la dialectique sourde comme un des anneaux d'une chaîne qui faisait de notre société un monde dont le modèle était préétabli. Il n'en a pas été ainsi pour Feraoun qui a eu raison de la pauvreté et du destin que la vie imposait par avance.
Il savait que les montagnes se méritaient et qu'elles étaient loin d'être des obstacles infranchissables contre lesquels naturellement les pluies, les vents, les éclairs, les orages et les neiges venaient briser en éclats leur colère. Les montagnes pour Feraoun, du haut desquelles on se retrouve plus près du ciel comme le lui disait Mammeri dans "La terre et le sang", sont ce genre de provocation qui vous pousse à aller plus loin comme vers cette victoire qu'a été cette institution qui n'oublia jamais de revenir les saluer et y reposer à jamais.
Alors que le mouvement national s'acheminait sûrement mais lentement vers l'issue finale, pour l'Algérien des années 50 que fût Mouloud Feraoun, entreprendre d'écrire était en soi un engagement, car il allait contribuer à soustraire la société algérienne astreinte et soumise au regard réducteur et intéressé des auteurs français d'alors, qui la pressentaient ''comme un élément du décor à peine faite pour la vigne, la charrue et les sulfateuses''. L'aventure était d'autant plus incertaine que l'édition d'un livre, écrit par un Algérien à propos des Algériens, risquait d'être une œuvre sans public, car l'écrasante majorité des Algériens ne savait pas encore lire. Mais l'écriture était perçue par Feraoun comme la seule fenêtre qui restait possible dans la carapace colonialiste qui pouvait s'ouvrir sur le monde pour dire son peuple autrement.
C'est par nos écrivains des années 50 que le monde apprendra l'existence d'un peuple en souffrance, parmi les autres peuples de la terre. Le message dans l'œuvre de Mouloud Feraoun est universel. Il décrit l'homme en tant que soubassement et point de passage obligé à tout projet social, et il n'est pas un hasard de voir aujourd'hui tous ses romans traduits dans beaucoup de langues (en russe, en arabe, en allemand, en italien, en anglais, en espagnol).
Si Feraoun n'a pas produit beaucoup d'ouvrages, cela tient au fait qu'il ne considérait pas l'événement de l'écriture comme une fin en soi. Toute sa pensée était cristallisée autour de sa prise de conscience et de sa responsabilité en tant qu'instruit vis-à-vis de sa société. Aussi, il privilégia l'action sociale, la scolarisation et l'instruction du maximum de ''fils des pauvres'', alors seule issue de sortie de leur condition et de relégués au second collège.
Etrangement, il sera assassiné dans la cour d'un centre social un matin de mars 62, ''…comme si une giclée de balles imbéciles pouvait l'avoir arraché de notre vie, sous prétexte qu'elle l'avait stupidement rayé du paysage…'', alors qu'il était inspecteur des centres sociaux. Mais pouvait-il mourir autrement que comme cela et pour cela ? ''C'était le dernier hommage de la bêtise à la vertu'', lui disait encore Mammeri.
Incontestablement, c'est dans son ''Journal'' que toute la puissance et la dimension de l'humaniste s'exprimeront et se révéleront. Son analyse futuriste sur l'avenir de l'Algérie indépendante restera comme un message prémonitoire. Il anticipera sur les événements dramatiques que nous vivons aujourd'hui, lorsqu'il déclara dans le même ouvrage que ''vos ennemis de demain seront pires que ceux d'aujourd'hui''.
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