L’espace que recouvre la Kabylie n'est fixé ni sur le plan géographique,
ni sur le plan linguistique, ni sur le plan culturel. Pour certains,
elle est cette aire berbérophone où se parle le Kabyle (dont
la langue mère est le berbère) ; pour d'autres, elle va de la
limite orientale de la Mitidja jusqu'au massif de Collo.Scindée
en deux (Petite et Grande Kabylie) à l'époque coloniale, la
Kabylie dépendait principalement du département de
Tizi-Ouzou
mais aussi des départements avoisinants (
Alger, Constantine,
Bône ... )
En 1974, une nouvelle organisation territoriale la découpe
en trois wilayas (départements) : Bejaïa, Bouira
et Tizi-Ouzou, trio auquel s'ajoutera en 1984 une autre wilaya,
celle de Boumerdès dont dépendront désormais certaines régions
rattachées auparavant à la wilaya d'Alger. Par delà ces frontières
administratives, le pays kabyle s'étend aux régions de Sétif
(Ait Yeâla, Mansoura, Guenzet,Ait ouartilane) et de Jijel.
Berbérophones, les Jijeliens , bien qu'arabophones, se désignent
qbayel hadra, "Kabyles citadins".En bref, pour parler de la
Kabylie, je ne retiendrai que les critères géographiques suivants
: le Djurdjura et les Babors.
La Kabylie du Djurdjura: est délimitée au Nord par
la Méditerranée, à l'Est et au sud par la vallée de
la Soummam, à l'ouest par Oued Isser. Elle est constituée
d'une haute chaîne montagneuse, le plus souvent enneigée.
Le massif calcaire du Djurdjura, telle une barrière contrôlant
la vallée de la Soummam au sud, descend vers la Méditerranée
par des sursauts montagneux. Son point culminant est de 2308
mètres.
La Kabylie des Babors, elle, désigne une région littorale
que limitent à l'ouest la vallée de la Soummam, à l'est celle
de l'Oued el-Kebir. Elle s'étend sur les wilayas de Bejaïa
et de Jijel. Le massif des Babors atteint 2004 mètres, il
est constitué d'assises jurassiques de calcaires liasiques
qui prennent des formes variées. Dans cette région, la montagne
tombe souvent à pic dans la mer et forme une côte très découpée
appelée Corniche kabyle ou jijelienne, où l'on admire caps,
falaises, presqu'îles et promontoires.
Organisation social
Les Kabyles désignent leur territoire par l'ancien terme berbère thamourth (la terre, la terre natale, la patrie, le pays).
Leurs habitations, construites en dur, couvertes d'un toit de tuiles et généralement sans étage, sont groupées en villages qui tournent le dos à l'extérieur et ouvrent sur des sentiers étroits.
La société kabyle s'organise en cercles concentriques de fidélité. Son noyau est la famille étendue akham, qui est la plus petite cellule sociale. Elle ne se réduit pas seulement au groupe des époux et de leurs descendants directs, mais rassemble tous les agnats (parents descendant de la même souche masculine), de sorte que plusieurs générations sont réunies sous l'autorité d'un seul chef. L'unité d'habitat (les maisons des descendants d'un même ancêtre sont regroupées autour d'une cour commune) renforce la cohésion du groupe.
Les familles regroupées forment le thakharrubth, dont les membres possèdent un ancêtre commun, qui remonte à la quatrième ou à la cinquième génération.
L'adhrum est un groupe plus large encore, qui est formé d'un nombre variable de thakharrubth. Plusieurs idharman (pluriel d'adhrum) forment le village thaddarth avec sa djemaa (assemblée des citoyens en âge de porter les armes) et son lamin, agent d'exécution des décisions.
Les villages se rassemblent ensuite en tribu : l'aârsh.
Toutefois, des transformations d'ordre historique, politique et socio-économique exercent des forces centripètes sur les cercles les plus extérieurs de cette structure.
Aujourd'hui, le village kabyle traditionnel n'existe plus. Après l'indépendance de l'Algérie, l'organisation des communes mit définitivement fin aux assemblées villageoises (dont le rôle avait déjà été réduit lors de la colonisation française), alors que le pouvoir issu du FLN s'employait à imposer l'usage de l'arabe au détriment du kabyle.
La littérature kabyle est surtout orale. La poésie et le conte en sont les genres dominants. La poésie traite, au premier chef, de la guerre et de l'amour à travers des formes spéciA?p??????????????bfiques, le thaqsit (poème épique), l'asfrou (poème lyrique) et l'izli (récit gaillard chanté).
Quant aux contes, habités d'un bestiaire fantastique, ils exploitent surtout le registre du merveilleux.
Dans chaque village formant en soi une petite "république", la Tadjemâat était l'institution politique qui régissait la vie communale.
Composée de tous les hommes ayant atteint la majorité - n'y prenaient la parole que les notables, les vieillards et les chefs de famille - l'assemblée nommait l'amin [chef] du village, mandataire toujours révocable, qui gérait l'administration.
La démocratie n'y était que de principe car deux ou trois familles, un çoff', emportaient toujours la décision.
Conseil municipal, cour de justice et cour souveraine, la Tajemâat se référait, en cas de litige ou de problème, à des textes de lois, les "qanouns kabyles" qui définissent le moindre manquement et sa sanction.
Société à filiation patrilinéaire, la Kabylie était régie par le code de l'honneur qui protège "la maison, les femmes, les fusils".
Ces derniers, représentent en fait le groupe des agnats, les cousins dont la mort doit être vengée par le sang.
Vivre en Kabylie donc, c'est vivre sous l'autorité du groupe où l'esprit de solidarité est fort développé. On peut donner l'exemple de la Tiwizi, corvée collective qui consiste à aider un villageois à ramasser dans la journée ses olives ou à bâtir sa maison.
Mode de consommation
Le mode de consommation est de type continental (céréales
et fruits). En dépit d'une importante façade méditerranéenne,
on consomme très peu de poissons, ce qui explique la quasi-absence
d'activités maritimes. La culture arbustive est très développée,
malgré des sols ingrats, favorisée par l'abondance de la pluie.
Aucun pouce de terre n'est perdu. Les collines et les crêtes
sont recouvertes de frênes, de caroubier ApYs et de chênes
à gland doux. Mais deux arbres sont particulièrement prisés
: l'olivier et le figuier. Huile et figues sèches ont de tout
temps constitué des articles de base de l'alimentation quotidienne.
La femme Kabyle
Parallèlement à un discours "misogyne" dominant, il existe un contre discours valorisant la femme kabyle qui la représente comme le soc de la maison (à l'origine de toute fécondité), la poutre maîtresse du foyer, etc...Les lois ancestrales sont néanmoins dures à son égard et cela pour des raisons historiques.
En effet, au XVIlle siècle, certains combattants kabyles partis faire la guerre aux Espagnols trouvèrent, de retour chez eux, leurs femmes remariées et leurs terres propriétés des nouveaux maris.
Les tribus des Igawawen se réunirent alors et décidèrent l'exhérédation des femmes. De nos jours, la jeune femme kabyle essai, de par son accès relatif aux études et au travail salarié, d'imposer une image et un statut différents.
Faits de civilisation
Les différentes expressions de la culture kabyle véhiculées
par le berbère - seule langue ancienne encore vivante dans
le bassin méditerranéen s'inscrivent dans une civilisation
millénaire. L’art reproduit ainsi des formes et des techniques
qui remonteraient à l'Age de Bronze. Hexagramme et la croix
boulée gravés sur les coffres kabyles (Gast, 1993) témoignent
de la permanence de l'art berbère dont l'existence est vieille
de plus de deux mille ans.
L'artisanat :
La bijouterie appartient
à la grande famille des orfèvreries cloisonnées ou filigranées
émaillées. Avec la sculpture sur bois en champlevé, elle est
une activité masculine, à l'inverse du reste de l'artisanat.
En effet, exclusivement exécutées par les femmes, la poterie,
le tissage (de haute lisse) et les peintures murales présentent
des motifs réalisés en fonction des techniques requises par
chaque activité. Leur signification, autrefois ésotérique,
a fini par disparaître, sous l'effet d'une géométrisation
avancée.
La culture :
Autant que l'expression artistique,
la "littérature " kabyle, portée par l'oralité, est variée
et possède un répertoire de formes narratives très riche comme
les contes, les historiettes, les récits fondateurs, les mythes
et les fables.
Parmi les formes courtes, on distingue essentiellement
le dicton, l'apophtegme, le proverbe et la devinette, souvent
sollicités dans le cadre du discours soutenu ou quotidien
(Aït Ferroukh, 1995). La poésie recèle différents genres scandés
et/ou chantés. La danse, autant que le chant, y est diversifiée,
ludique, rituelle et sacrée (Ait Ferroukh, 1993, 1994).
En
somme, la culture kabyle orale est fondée sur la tamusni,
une sorte de connaissance pratique, manuelle et intellectuelle,
combinaison entre la compétence (sagesse populaire, mémoire
collective, pensée philosophique) et la performance (savoir-dire
et savoir-faire).
Capital accumulé par le groupe dans une
tradition vivante, la tamusni, véhiculée dans une forme esthétique,
confère à ses détenteurs une certaine fonction sociale et/ou
politique.
La religiosité :
Le savoir local est aussi fondé
sur les croyances et le système mythicorituel. En effet, la
Kabylie, tout comme l'ensemble de la Berbérie, baigne dans
une profonde religiosité. Le monde des humains n'y est pas
dissocié du monde invisible dont le kabyle vénère les forces
bénéfiques (puissances tutélaires ... ) et redoute les forces
maléfiques (djinns et autres génies). Le sacré incarné par
un accident topographique, une grotte, un arbre, occupe une
place aussi importante que les éléments de théologie islamique
(Aït Ferroukh, 1997).